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Interview d'un vétérinaire équin

Cette interview a été réalisée le 6 décembre à l'hippodrome de la Cépière. Le Dr. Germain est vétérinaire à la Clinique du Cheval (31) et s'intéresse particulièrement à l'ophtalmologie équine. Nous le remercions pour sa disponibilité.

 

- Bonjour Jean-Philippe 

 

- Bonjour

 

- Vous êtes vétérinaire dans une clinique équine et vous vous intéressez à l'ophtalmologie équine, quelles sont les particularités de la vision du cheval ?

 

- De par sa position de proie dans le règne animal, le cheval a sélectionné différentes adaptations qui lui permettent d'utiliser sa vision tant dans les conditions de pleine lumière que dans les conditions de pénombre. Parmi les vertébrés terrestres, le cheval a l'oeil le plus volumineux ce qui permet à un grand nombre de rayons lumineux de pénétrer à l'intérieur de son oeil notamment dans les conditions de pénombre. Cette vision dans la pénombre est également optimisée par des adaptations du segment postérieur de l'oeil, de son fond d'oeil, avec notamment la présence d'un réseau de fibrilles de collagène qui s'appelle le tapetum qui permet à la lumière de déjà stimuler une première fois la rétine, d'être réfléchie une deuxième fois pour stimuler une deuxième fois la rétine ce qui optimise la vision dans les conditions de pénombres. Dans les conditions de forte lumière, vous avez peut-être pu remarquer dans l'oeil du cheval ce qu'on appelle les grains de suie qui agissent comme une sorte de visière et qui limitent la quantité de rayons de soleil qui entrent dans des conditions de plein éclairement. Après il y a l'accommodation du cheval c'est à dire la capacité de l'oeil à modifier la taille de son cristallin pour adapter la vision de près ou de loin qui elle est en revanche assez faible. Enfin le cheval a une vision qui est dite dichromate mais l'homme a une vision trichromate ce qu'il fait qu'il voit moins de couleurs que nous.

 

- Pourquoi doit-on faire appel à un vétérinaire spécialiste en ophtalmologie équine ?

 

- Disons que tout vétérinaire s'intéressant à l'ophtalmologie du cheval sera amené à faire le diagnostic de la plupart des affections de l'oeil du cheval. Dans un second temps, il pourra orienter le patient et son propriétaire vers un spécialiste pour la partie traitement et notamment les traitements chirurgicaux.

 

- Y a-t-il des conditions d'examens particulières en ophtalmologie équine ?

 

- Oui, disons qu'il faut savoir aborder le cheval mais hormis cela la consultation d'ophtalmologie se déroule un peu comme pour les autres espèces : à savoir une première étape en lumière naturelle pour évaluer la vision, le comportement et les réflexes du cheval puis dans un deuxième temps une étape en semi obscurité dans un box ou dans une salle de consultation.

 

- Quels matériaux utilisez-vous ?

 

- Il y a le matériel de base qui passe par une source de lumière qui peut être une lampe torche ou un transluminateur, après il y a les ophtalmoscopes directs avec différents filtres et une fente. On peut également utiliser des lentilles, des lentilles loupes, du papier whatman qui va nous permettre de réaliser le test de Schirmer qui évalue la sécrétion lacrymale et également un échographe. Voilà pour le matériel de base. Après, il y a des médicaments qui sont également utiles lors de l'examen ophtalmologique : en premier lieu les tranquillisants qui permettent de sédater le cheval, les anesthésiants locaux, les mydriatiques tels que le tropicamide qui permet de dilater la pupille et donc d'observer le cristallin et le fond de l'oeil. Enfin les colorants qui vont permettre de visualiser les plaies de la cornée. On peut aussi inclure le matériel plus spécialisé tel que le biomicroscope ou la lampe à fente qui sont très utiles.

 

- Quels sont les principales affections oculaires chez le cheval et comment les diagnostiquer ?

 

- Très schématiquement on peut dire qu'il existe deux grands chapitres dans l'étude des maladies oculaires du cheval. Le premier concerne les ulcères de la cornée c'est-à-dire les pertes de substance au niveau de la cornée ; le hublot de l'oeil qui est d'origine traumatique ou infectieuse et dont le diagnostic repose principalement sur l'utilisation de colorants tel que la fluorine qui va se fixer sur les différentes couches de cellules mises à nue. Le deuxième grand chapitre correspond aux uvéites c'est-à-dire les inflammations de structures à l'intérieur de l'oeil (à savoir l'iris, le corps ciliaire et la choroïde) qui sont à l'origine de la première cause de cécité chez le cheval et dont le diagnostic repose essentiellement sur l'identification des symptômes.

 

- Quels sont les traitements les plus courants pour l'uvéite ?

 

- En cas d'uvéites, le but est de calmer l'inflammation donc le traitement repose sur l'utilisation d'anti-inflammatoire stéroïdiens à la fois par voie locale et par voie générale. Ils vont être injectés par voie locale sous forme de collyres, de pommades où d'injections subconjonctivales associées à des anti-inflammatoires non stéroïdiens qui eux vont contrôler la douleur. Des traitements cycloplégiques qui relâchent le spasme des muscles à l'intérieur de l'oeil et ainsi limitent la douleur et les séquelles peuvent être associés.

 

- Quels sont les traitements les plus courants pour les ulcères de la cornée ?

 

- Le but du traitement des ulcères de la cornée va d'être d'abord de traiter la cause si elle a été identifiée et dans un deuxième temps de favoriser la cicatrisation de la cornée. Le traitement va donc dépendre des caractéristiques de l'ulcère et notamment de sa profondeur et de son type d'évolution. Les ulcères superficiels tel que l'ulcère épithélial aigue vont être gérés de façon assez facile par un traitement médical avec l'insertion d'antibiotiques qui vont prévenir les infections et un traitement antalgique pour contenir la douleur. Pour les ulcères un peu plus profonds, qui vont jusqu'à la moitié de l'épaisseur de la cornée il va falloir se demander s'il y a des symptômes majeurs associés sur la cornée. S’il n'y en a pas, à nouveau un traitement médical peut être plus fréquent (cinq à six fois par jour) associé à des cicatrisants de la cornée qui vont permettre de gérer la cicatrisation. En revanche s'il y a des symptômes plus marqués sur la cornée, il faudra mettre en place une antibiothérapie plus raisonnée du point de vue des molécules utilisées et aussi plus fréquente jusqu'à deux fois par jour. Les ulcères profonds au-delà de la moitié de la profondeur de la cornée, voire les perforations complètes de la cornée, imposent d'emblée un traitement médical associé à un traitement chirurgical.

 

- Quelles sont les principales complications de l'uvéite ?

 

- La gravité des uvéites tient à leur nature souvent récidivante et donc au fur et à mesure des crises s'accumulent notamment des synéchies qui sont des adhérences de l'iris avec des structures de voisinage qui peuvent aller jusqu'à la rupture de la pupille. On a également l'apparition d'opacités qui sont la définition de la cataracte lors de l'uvéite. Du point de vue du fond d'oeil on a aussi l'apparition de plages dépigmentées et enfin l'atrophie des corps ciliaires qui va entrainer une diminution de la taille du globe et à ce stade la perte de la vision est irréversible.

 

- Quels sont les taux de réussite concernant les uvéites et les ulcères de la cornée ?

 

- Alors concernant l'ulcère le traitement médical voir chirurgical est généralement d'un bon pronostic si tant est qu'il soit mis en oeuvre dans un délai raisonnable et que les lésions ne soient pas catastrophiques. Concernant l'uvéite c'est plus incertain de par sa chronicité et sa médiation immune. On a plus de mal à contrôler ces infections.

 

- L'ophtalmologie équine s'est-elle développée ces dernières années ?

 

- Alors oui l'ophtalmologie vétérinaire est en évolution au point de vue des traitements. Concernant le traitement de l'ulcère, le traitement chirurgical évolue avec la mise au point de biomatériaux qui vont jouer le rôle de rustines notamment à partir de la muqueuse d'intestin de porc. On a aussi des greffes de cornée de donneurs souvent morts. On a aussi des avancées dans le traitement médical de l'ulcère avec la gestion des lyses infectieuses de la cornée. Concernant l'uvéite, les avancées concernent essentiellement la mise en place d'implants qui relarguent des molécules souvent immunosuppressives et qui sont mises en place dans la région supra choroïdienne c'est-à-dire assez profondément dans l'oeil.

 

- Merci beaucoup pour cet interview, merci de nous avoir accordé votre temps, au revoir.

 

- Je vous en prie vous étiez les bienvenus, au revoir.

Ancre 1

Dr. Jean-Philippe Germain

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